L’Allemagne ne peut accueillir tous les réfugiés du monde, malgré la bonne volonté dont elle fait preuve. L’Union européenne doit s’organiser et la communauté internationale doit tout mettre en œuvre pour inciter les migrants à rester chez eux. Dans un entretien accordé à republicoftogo.com, Christoph Sander, le nouvel ambassadeur d’Allemagne au Togo, évoque longuement cette crise migratoire d’une ampleur exceptionnelle. Pour le diplomate, les exilés syriens sont un cas à part. Impossible de les renvoyer dans un pays ravagé par la guerre.
M. Sander parle également de la coopération entre son pays et le Togo. L’aide publique au développement, via la GIZ et la Kfw est de l’ordre de 40 millions d’euros, sans doute plus l’année prochaine. Et des investissements privés sont en discussions, précise-t-il.
Republicoftogo.com : Commençons si vous le voulez bien par l’actualité brûlante. L’attitude de l’Allemagne a été unanimement saluée dans la gestion de la crise migratoire. Mais comment faire pour arrêter le flux de réfugiés économiques et politiques qui débarquent chaque jour dans votre pays et en Europe ?
Christoph Sander : C’est un grand défi et l’Allemagne se devait de fermer ses frontières et suspendre provisoirement Schengen parce qu’il y a une situation marquée par l’arrivée incontrôlée des réfugiés.
Nous avons des règles communes en Europe pour gérer ces genre de situation.
Il y par exemple l’accord de Dublin qui stipule que tout réfugié doit faire une demande d’asile dans le pays membre de l’Union européenne par lequel il est rentré. La plupart des refugiés qui viennent en Allemagne arrivent d’autres pays européens et donc cela devient une situation très compliquée. Le peuple allemand a accueilli les réfugiés syriens à bras ouverts avec une mobilisation exceptionnelle de milliers de volontaires.
C’est très bien mais il faut un règlement unique au niveau européen pour gérer cette crise. Soyons clair, mon pays n’a pas la capacité d’accueillir tous les réfugiés qui débarquent en Europe.
Les migrants sont issus de trois régions : l’Afrique, les Balkans, la Syrie, la Somalie et l’Afghanistan. Ceux qui viennent des Balkans ne peuvent bénéficier du droit d’asile car ils appartiennent à des pays qui veulent devenir membres de l’Union européenne.
Le reste des migrants - 90% - demande le droit d’asile en Allemagne et ailleurs. Nous ne pouvons accepter leur demande qui est de toute façon rejetée par la justice.
Le cas des Syriens est particulier. Il y a une guerre là bas. On ne peut pas leur dire de retourner chez eux. Il faut donc trouver une solution durable. Il est nécessaire de soutenir des pays comme la Turquie, la Jordanie, le Liban qui accueillent sur leur sol de nombreux réfugiés syriens.
Republicoftogo.com : Cette crise migratoire sera évoquée lors d’un sommet extraordinaire de l’UE le 23 septembre à Bruxelles. Comment faire pour stopper l’exode ?
Christoph Sander : Il faut lancer une large campagne d’information auprès des candidats au départ afin de leur expliquer qu’une arrivée en Allemagne ne donne pas droit à une carte de séjour et à un travail.
Il faut dissuader les migrants de traverser la méditerranée au péril de leur vie. L’Europe n’a pas la possibilité d’absorber des millions de demandeurs d’asile. C’est tout simplement impossible.
Un projet de loi sur la migration sera d’ailleurs examiné prochainement par le Bundestag.
Republicoftogo.com : A Berlin comme à Lomé, on salue la qualité de la coopération allemande au Togo. La Kfw a accordé en juin dernier une aide de 33 millions d’euros qui vient s’ajouter aux autres. Où en est-on des financements et des nouveaux projets envisagés ? Que représente l’appui sur la période 2015-2016 ?
Christoph Sander : J’ai reçu ce matin même un groupe d’experts allemands sur un nouveau projet qui va être bientôt lancé dans le domaine de l’agriculture. Il y a plusieurs programmes que nous avons avec la GIZ, la Kfw qui sont des institutions différentes mais qui travaillent ensemble pour renforcer la coopération avec le Togo.
Le projet agricole va bientôt démarrer, celui concernant la réhabilitation du barrage hydroélectrique d’Adjaralla est en cours de finalisation. Il y a également un volet concernant la bonne gouvernance, la formation professionnelle et la décentralisation.
Nous sommes sur la bonne voie et on va continuer à travailler pour achever les programmes démarrés en 2012 puis lancer à partir de 2016, d’autres initiatives.
L’Allemagne met également la priorité sur les questions de santé et d’environnement.
Republicoftogo.com : Sur la période 2015-2016, peut-on avoir une idée de ce que représente la coopération entre l’Allemagne et le Togo ?
Christoph Sander : La Kfw s’est déjà engagée pour 33 millions d’euros, la Giz aussi. Le montant global tourne autour de 40 millions d’euros.
Republicoftogo.com : l’Allemagne finance le petit contournement de Lomé et la rénovation des pistes rurales. Envisagez-vous de poursuivre l’aide dans le domaine des infrastructures routières ?
Christoph Sander : Le contournement de Lomé est un grand projet en soi. La rénovation des pistes rurale est un axe de cette coopération. On va continuer la coopération bilatérale dans ce sens. Je suis confiant de parvenir à un nouvel accord en 2016 qui permettra la mise en œuvre de nouveaux projets.
Republicoftogo.com : En matière d’investissement privé, celui réalisé par HeidelbergCement est le plus emblématique. D’autres projets sont-ils envisagés ?
Christoph Sander : Naturellement. Mais il s’agit d’investissements privés et il ne revient pas à l’ambassade de dévoiler le contenu des discussions en cours. Tout sera connu et rendu public le moment opportun.
Republicoftogo.com : Vous venez de prendre vos fonctions au Togo. Globalement, comment jugez-vous la politique menée par le gouvernement ?
Christoph Sander : L’Allemagne a une vision positive du Togo. Ce pays fait un excellent travail dans le contexte régional et son influence est grandissante à l’échelle continentale. Les échanges sont permanents et les visites régulières. Le ministre des Affaires étrangères togolais se rend souvent à Berlin. Je dois enfin souligner la qualité de la contribution togolaise dans les discussions relatives à la crise migratoire.
Republicoftogo.com : Un commentaire sur la crise au Burkina-Faso ?
Christoph Sander : C’est regrettable. Je suis tout à fait d’accord avec la position de la Haute représentante de l’Union européenne qui déplore l’arrêt du processus de transition à quelques semaine des élections.
Je ne pense pas que le coup de force de quelques militaires soit de nature à préparer le terrain pour des élections libres et transparentes. Il faut que le scrutin prévu puisse se dérouler normalement.