A l’occasion des Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (BAD) qui se sont ouvertes lundi à Abidjan, l’institution africaine dédiée au financement du développement a rendu public son rapport annuel ‘Perspectives économiques en Afrique’ (PEA).
Avec une population qui devrait tripler à l’horizon 2050, le continent africain devra impérativement moderniser les économies locales pour renforcer sa compétitivité et rehausser le niveau de vie de ses habitants, selon l’étude.
Surpassant la plupart des autres régions malgré la crise financière, les économies africaines enregistreront une croissance de 4,5 % en 2015 et pourraient même atteindre les 5 % en 2016, convergeant ainsi avec les taux actuellement observés en Asie. Cependant, le tassement des cours du pétrole et des matières premières, les incertitudes à l’échelle mondiale, les conséquences de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest et l’instabilité de la vie politique intérieure pourraient retarder le retour prévu aux niveaux de croissance d’avant 2008.
Selon les prévisions, l’investissement direct étranger (IDE) devrait s’établir à 73,5 milliards de dollars (USD) en 2015, à la faveur de l’augmentation des investissements de la Chine dans des projets entièrement nouveaux. La Chine demeure le principal partenaire commercial de l’Afrique, après l’Union européenne. Ce rapport fait également état d’une progression des flux d’IDE intra-africains et vers les autres régions du monde. Les entreprises sud-africaines sont les premiers investisseurs sur le continent.
‘Les pays africains témoignent d’une grande résilience face à l’adversité économique mondiale. Pour que la croissance à venir soit durable et source de transformations, il faudra que ses bienfaits soient partagés plus équitablement au sein de la population et que les pays continuent d’appliquer des politiques favorisant la stabilité économique », a déclaré Steve Kayizzi-Mugerwa, Chef économiste et vice-président par intérim de la BAD.
En Afrique, les niveaux de développement humain s’améliorent depuis 2000 et 17 des 52 pays du continent ont atteint un niveau de développement intermédiaire ou élevé. Cependant, les taux de pauvreté demeurent obstinément élevés tandis que les progrès de la santé, de l’éducation et des revenus sont inégaux. D’immenses inégalités persistent entre et à l’intérieur des pays, et aussi entre femmes et hommes. Dans de nombreuses zones, la faiblesse de la productivité et de l’investissement, l’absence d’infrastructures et de réseaux ruraux-urbains ainsi que la pénurie d’emplois en dehors du secteur agricole freinent les avancées économiques et le développement.
L’explosion démographique du continent exacerbe ces défis. D’ici à 2050, tant les villes que les communautés rurales auront vu leur population faire un bond considérable, et les campagnes compteront, selon les estimations, 400 millions d’habitants supplémentaires.
Ainsi, le rapport montre qu’au cours des 15 prochaines années, 370 millions de jeunes entreront sur le marché du travail en Afrique subsaharienne, ce qui nécessitera de créer beaucoup plus d’emplois et d’opportunités d’épargne et d’investissement. De plus, cette croissance démographique, conjuguée au changement climatique, exercera des pressions accrues sur les ressources naturelles telles que l’alimentation, l’eau et la terre.
Le rapport estime que les efforts déployés dans le passé pour promouvoir le développement territorial via l’aménagement du territoire, le développement de l’infrastructure et la décentralisation, sont dispersés et ont eu un effet limité. En conséquence, les territoires africains, qui renferment des bassins hydrographiques, des zones frontalières et d’importants corridors entre zones urbaines et rurales, ne concrétisent pas leur potentiel.
‘Les économies africaines pourraient tirer parti de la mobilisation du potentiel immense et largement inexploité de leurs divers territoires. Si l’on place les personnes et les lieux au centre de l'élaboration des politiques, on peut améliorer la compétitivité de l’Afrique et le bien-être de ses habitants’, a déclaré Mario Pezzini, directeur du Centre de développement de l’OCDE.
La transformation des économies nécessitera d’explorer des secteurs plus productifs, en encourageant les activités manufacturières, en développant les services, en élaborant des stratégies pour la croissance verte ou en modernisant le secteur agricole.
En outre, pour surmonter les inégalités spatiales, il faudrait mettre en œuvre des politiques transsectorielles, par exemple en diversifiant les économies rurales et en les reliant aux villes, par le biais des chaînes de valeur et des corridors commerciaux. Mais aussi en mobilisant le financement intérieur, en développant les transports et les communications et en investissant dans les services sociaux de base.
‘Une croissance inclusive et durable constitue un aspect fondamental du programme de développement pour la transformation économique et sociale de l’Afrique de l’après-2015’, a déclaré Abdoulaye Mar Dieye, directeur du Bureau régional pour l’Afrique au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). ‘Nous devons investir dans le renforcement des opportunités économiques, y compris au niveau local. En particulier pour les jeunes femmes et les jeunes hommes qui sont les architectes de l’Afrique de demain.’
Le rapport appelle à étoffer les compétences et à améliorer le niveau d’études, à lutter contre l’exclusion en développant des mesures de protection sociale ciblées et à instaurer un accès universel à une énergie et à des technologies durables.
Concernant le Togo, le rapport souligne que la croissance du Produit intérieur brut (PIB) est estimée à 5.5 % en 2014 et devrait atteindre 5.7 % en 2015, et 5.9 % en 2016 sous les effets combinés des investissements dans les infrastructures économiques et des réformes engagées dans la filière agricole.
Le rapport est produit conjointement par la Banque africaine de développement, le Centre de développement de l’OCDE et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).