Les assemblées de printemps du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale se sont achevées dimanche à Washington.
Deux membres du gouvernement étaient présents pendant une semaine dans la capitale fédérale, Adji Otèth Ayassor, le ministre d’Etat chargé de l’Economie, des Finances et de la Planification du développement et Sani Yaya, responsable du Budget.
La délégation togolaise comptait également le secrétaire permanent pour le suivi des politiques de réformes et des programmes financiers, Mongo Kpessou-Aharh, le directeur national de la BCEAO, Kossi Tenou, le directeur du Budget, Wolanyo Kodzo Amawuda, la directrice de la Dette publique Couassi L. Afi et la directrice de l'Economie, Josée Ahéba Johnson.
Ces assemblées qui ont lieu deux fois par an sont pour le Togo l'occasion de faire le point de la coopération avec les institutions de Bretton Woods.
Au sein du FMI, le Togo est membre du Groupe Afrique II qui rassemble 23 Etats.
A sa tête, le Tchadien Ngueto Tiraina Yambaye qui a remplacé en 2014 le Togolais Kossi Assimaïdou.
Pour cet économiste et ancien basketteur de l’équipe nationale du Tchad, le Fonds monétaire international doit être davantage à l’écoute des pays d’Afrique et plus réactif aux besoins qu’ils expriment.
Vous représentez l’un des plus grands groupes de pays au FMI, qui s’étend de pays riches en ressources naturelles à de petits pays fragiles, dont les langues de travail sont notamment l’espagnol, le portugais, le français, l’anglais et l’arabe. Comment faites-vous pour concilier des intérêts si divers?
Ngueto Tiraina Yambaye : Il est vrai que le groupe que je représente est non seulement le plus important au FMI mais il est aussi celui où il y a la plus forte proportion de pays appliquant un programme appuyé par le Fonds. Je considère la diversité de notre groupe comme un atout.
Nous abordons notre travail en toute impartialité. Nous avons un système interne de roulement qui assure à chaque pays la même possibilité de représenter le groupe au conseil d’administration, quelle que soit sa taille. Un grand nombre de nos Etats sont confrontés à des défis communs, en tant que pays à faible revenu de la même région d’Afrique, beaucoup d’entre eux partageant la même monnaie : les pays de notre groupe ont donc tendance à avoir pour la plupart des intérêts convergents.
Les récentes prévisions du FMI tablent sur une croissance de 3,75 % cette année en Afrique subsaharienne, la plus faible depuis six ans. Quels sont les grands défis à relever par la région et par votre groupe de pays en particulier?
Ngueto Tiraina Yambaye : La chute des cours des matières pre- mières est certainement le plus gros choc à surmonter aujourd’hui par les pays d’Afrique subsaharienne, car un grand nombre d’entre eux sont exportateurs de tels produits, notamment de pétrole et de miné- raux.
Près d’un tiers du groupe est fortement tributaires des produits de base pour assurer leurs ressources budgétaires. Les perspectives d’un nouveau ralentissement de la demande de la part de la Chine et des pays avancés les rendent encore plus vulnérables, ce qui montre à quel point la diversification de l’économie et les transformations structurelles sont essentielles pour nos pays.
Un autre challenge à relever est celui lié au durcissement attendu des conditions financières dans le monde.
Grâce à de solides fondamentaux macroéconomiques, un grand nombre de ces pays ont eu accès aux marchés de capitaux pour financer de vastes projets d’infrastructures.
La Côte d’Ivoire et le Gabon, par exemple, ont émis des euro-obligations et mobilisé des ressources non négligeables. Avec la normalisation attendue des politiques monétaires dans un certain nombre de pays avancés, les conditions financières vont se durcir et les flux de capitaux risquent d’être moins facilement disponibles pour les pays en développement qui souhaiteront emprunter, même si leurs titres continuent à offrir de meilleurs rendements.
Les questions de climat et de sécurité sont également d’importantes problématiques dans un grand nombre de pays de mon groupe.
Cela dit, les pays de la région n’ont jamais été aussi bien positionnés qu’aujourd’hui pour relever ces défis. Ils bénéficient de fondamentaux économiques plus solides, de marges de manœuvre plus confor- tables, même si elles sont réduites par la tendance à la baisse des cours des matières premières, ainsi que de structures plus viables de politiques économiques.
Je suis convaincu qu’ils seront à la hauteur de ces défis, mais ils doivent renforcer leur résilience en réformant de façon continue, pour assurer la diversification économique, les transformations struc- turelles et l’intégration régionale dont ils ont besoin. Les conseils et l’assistance technique apportés par le FMI restent fondamentaux à cet égard.
Les risques d’instabilité politique et d’insécurité nuisent également à l’activité économique dans un grand nombre de pays de votre groupe Dans quelle mesure ces risques ont-ils un impact sur le travail du FMI sur place?
Ngueto Tiraina Yambaye : Ces risques entravent malheureusement les perspectives de croissance économique d’un nombre de plus en plus important de pays. Il est essentiel de rendre hommage à l’inlassable travail et au formidable courage des services du FMI qui œuvrent dans ces conditions difficiles.
L’institution a remarquablement progressé pour adapter ses instruments et ses financements aux besoins des Etats fragiles. Il lui faut cependant faire davantage, en apportant notamment le financement et l’assistance technique indispensables au moment le plus crucial et dans un environnement délicat.
N’oublions pas que le FMI joue un rôle primordial de catalyseur pour mobiliser les ressources des bailleurs de fonds vers ces pays.
Quelle doit être la priorité du Fonds en Afrique ?
Ngueto Tiraina Yambaye : Il s’agit notamment d’adopter des politiques appropriées et de remanier son financement et son assistance technique pour accompagner la mobilisation des ressources, d’enrayer les mouvements illicites de capitaux, de favoriser les efforts de diversification et de transformation structurelle, et de promouvoir l’inclusion financière.
Le FMI doit être davantage à l’écoute des pays d’Afrique et plus réactif aux besoins qu’ils expriment. Il doit mieux financer ses interventions de renforcement des capacités et mieux les cibler en fonction de l’évolution des besoins de ses pays membres. Les pays de mon groupe, par exemple, sont nombreux à recourir aux marchés internationaux de capitaux pour financer leurs plans nationaux de développement. Le Fonds doit les aider à renforcer leurs capacités de gestion de la dette en conséquence.