Siaka Sangaré, président du Réseau des compétences électorales francophones qui avait supervisé les élections au Mali, a été dépêché par l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) pour épauler les experts de la Céni. Après plusieurs semaines de nettoyage, le fichier électoral a été avalisé par l’ensemble des candidats.
Le fichier permet d’organiser une élection présidentielle démocratique, explique M. Sangaré dans un entretien à Republicoftogo.com.
Au-delà du cas togolais, le représentant de l’OIF invite les pays africains francophones à mettre un terme à leur course folle à la technologie. La biométrie ou les urnes transparentes ne remplaceront jamais l’indispensable confiance qui doit s’établir entre la classe politique et les électeurs. C’est la clé de tout processus électoral réussi, souligne-t-il.
Republicoftogo.com : Le fichier électoral comportait-il des erreurs de nature à fausser le scrutin ?
Siaka Sangaré : Absolument pas. L’OIF s’est impliquée pour résoudre les quelques problèmes constatés. La participation des experts de l’OIF a permis effectivement de parvenir à un fichier consensuel, un fichier perfectible.
De façon globale, il faut retenir que les travaux du comité de consolidation et de vérification ont permis d’obtenir un fichier qui garanti les intérêts de tous les candidats et qui permet de tenir une élection présidentielle démocratique.
Republicoftogo.com : Donc le nettoyage effectué par les experts de la Céni et de l’OIF offre toutes les garanties
Siaka Sangaré : Tout à fait. Ceux qui sont candidats ont accepté le fichier et je pense que c’est ça la garantie. Toutes les corrections qui devaient être apportées l’ont été. On a statué sur un certain nombre d’éléments clés comme le nombre d’électeurs, le nombre et la localisation des bureaux de vote. C’est le document qui a été remis à chaque candidat et nous l’avons élaboré ensemble. Au total, on a arrêté un fichier de 3.509.258 électeurs, répartis entre 4.112 centres de vote et 8.994 bureaux de vote
Je pense que le travail que nous avons réalisé et les résultats validés nous permettent d’aller à un scrutin présidentiel dans les meilleures conditions.
Republicoftogo.com : Les évolutions technologiques ne sont-elles pas à l’origine des problèmes rencontrés sur les listes électorales. En d’autres termes, la biométrie peut-elle tout résoudre ?
Siaka Sangaré : Non ! La biométrie est utile mais elle n’est pas la panacée.
J’ai donné beaucoup de séminaires sur la question et j’ai toujours dit que la biométrie n’était pas la solution ultime.
Elle permet l’identification sûre de chaque électeur et garanti l’unicité dans le fichier électoral si les données recueillies sont fiables et le mécanisme de collecte consistant.
Mais elle a comme inconvénient son coût et les délais. Donc, elle ne peut pas résoudre tous les problèmes.
La technologie a ses limites et ne remplacera jamais la présence humaine.
D’ou l’importance pour les acteurs politiques et pour les électeurs de travailler dans la confiance. C’est un défi majeur à relever.
C’est cette crise de confiance dans l’espace francophone africain qui nous a amenés à l’utilisation abusive de la technologie parce qu’on ne fait confiance à rien et à personne.
On était au bulletin simple et on est passé au bulletin multiple. On utilisait des urnes classiques, il a fallu avoir recours à des urnes transparentes
Les élections sont-elles plus transparentes avec ce modèle ?
Et les exemples ne s’arrêtent pas là. On a créé des commissions électorales, des listes informatisées. On veut mettre dans les bureaux de vote des dispositifs d’authentification par lecture d’empreinte et des systèmes d’identification biométrique sur la carte d’électeur.
Jusqu’où irons nous dans cette course folle ?
Je vais vous dire, seule la confiance permet d’organiser de bonnes élections. Nous n’avons pas besoin de tous ces procédés sophistiqués pour obtenir un bon scrutin.
La technologie oui, l’excès non !
Republicoftogo.com : A chaque élection, le Togo doit procéder à la révision du fichier électoral avec toutes les contestations possibles. Quel moyen préconisez-vous pour éviter ce processus lourd et coûteux ?
Siaka Sangaré : D’abord, au niveau des listes électorales. J’ai relevé que partout (au Togo comme ailleurs), la fiabilité des listes électorales a été au cœur des contestations électorales.
Je propose qu’on aille vers la modernisation de l’état civil pour mettre fin à la problématique de la fiabilité des listes électorales.
Tant qu’on va trainer les décès sur les listes électorales, tant qu’on va faire appel au témoignage pour identifier les citoyens, c’est sûr qu’il y aura toujours un problème de fiabilité des informations.
Le fait que l’identification par témoignage (75% au Togo, contre 22% qui ont pu présenter une carte d’identité) soit utilisée est la conséquence des défaillances de l’état civil qu’on retrouve dans les pays francophones d’Afrique.
L’état civil n’est pas capable de délivrer les pièces d’identité aux citoyens raison pour laquelle on utilise le système de témoignage. On doit pouvoir renforcer les compétences du système d’état civil.
Ensuite, la transmission des résultats. C’est la phase la plus critique et la plus sensible d’un processus électoral. C’est l’étape où toutes les émotions sont cristallisées.
Il faut alors 3 principes. D’abord, la transparence. Il faut que tout soit transparent, du bureau de vote jusqu’à la communication des résultats.
Ensuite, la célérité. Parce que, quand ça traine, ça donne lieu à des supputations et à des calculs. Il y en a ceux qui ont des résultats et ceux qui tentent de se faire proclamer.
Il faut enfin sécuriser le document qui est dans le bureau de vote et c’est ce document qui doit être transmis aux autorités centrales. La transparence, la célérité et la sécurité.
Republicoftogo.com : Le gouvernement a fait appel à l’OIF pour aider la Céni à consolider le fichier électoral. Avez-vous senti une détermination des autorités à parvenir à une issue acceptable et acceptée par tous ?
Siaka Sangaré : Oui, c’est évident. Nous avons travaillé avec les représentants des cinq candidats, ce qui a permis d’avoir un fichier consensuel, perfectible.
Republicoftogo.com : L’OIF déploiera-t-elle des observateurs le jour du scrutin ?
Siaka Sangaré : Il y aura la mission d’information et de contact. Le chef de cette mission est déjà au Togo.
L’OIF va observer le scrutin uniquement dans le sens de s’informer mais pas dans celui d’observer de façon technique comme on a l’habitude de le faire.
Nous privilégions le renforcement des capacités des structures en charge du processus électoral. L’observation internationale électorale a un impact moins important, il faut le reconnaître.