Le Premier ministre, Gilbert Houngbo, était mercredi l'invité du Salon « Agritech » de Tel-Aviv pour parler agriculture.
« Agritech » accueille du 5 au 7 mai des milliers de visiteurs venus d'Afrique, d'Europe ou d'Asie. M. Houngbo avait inauguré le salon mardi aux côtés des ministres de l'Agriculture et du Commerce d'Israël.En marge du salon, différentes conférences sont organisées sur le thème : « Crise alimentaire mondiale, comment relever le défi ».
M. Houngbo a rappelé l'importance de l'agrotechnologie pour répondre au défi alimentaire dans les PMA.
« L'agrotechnologie, l'application de nouvelles technologies à l'agriculture, devrait améliorer la productivité globale des facteurs de production. Il est donc nécessaire de créer des conditions favorables à leur transfert au sein des PMA qui en manquent cruellement », a indiqué le PM.
Il a également mis en valeur les atouts de l'agriculture togolaise, » une agriculture qui voudrait s'appuyer sur le savoir-faire israélien, afin de transformer le tiers de la richesse nationale à laquelle elle contribue en moteur de développement irréversible », a conclu le Premier ministre togolais.
Juste avant de prendre la parole, Gilbert Houngbo s'était entretenu avec le ministre israélien de l'Agriculture, Shalom Simhon.
Dans l'après-midi, il a visité une ferme pilote, « Afrimilk », située près de Tel-Aviv et dont les rendements de production de lait sont impressionnants. Le responsable des ventes, Barak Wittert, a expliqué qu'un transfert de technologie vers le Togo était aisément envisageable.
Voici le discours prononcé par le Premier ministre lors de la conférence organisée par Agritech
Honorables Invités,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais, avant toute chose, au nom de Son Excellence Monsieur Faure Essozimna GNASSINGBE Président de la République Togolaise, du Peuple Togolais et en mon nom propre, adresser aux autorités Israéliennes et aux organisateurs de la présente rencontre, nos très vifs et sincères remerciements pour l'honneur qui est fait à mon pays le TOGO, à travers ma modeste personne, en nous invitant à participer à la 17ème Exposition Agricole Internationale « Agritech Israël 2009 » que la coquette cité de Tel-Aviv s'honore d'abriter.
En effet, la forte délégation qui m'accompagne et moi-même, sommes profondément touchés par la qualité et la chaleur de l'accueil dont nous avons été l'objet depuis notre arrivée sur la terre Sainte d'Israël et vous prions de bien vouloir trouver ici toute l'expression de notre gratitude et de notre sincère reconnaissance.
C'est donc pour moi, un grand plaisir de prendre la parole devant cette auguste assemblée ici réunie à l'occasion de cette 17ème Exposition consacrée aux « enjeux de l'Agritech dans les pays les Moins Avancés (PMA) ».
Comme vous le savez, la nécessité de la sécurisation alimentaire dans les pays les moins avancés (PMA) n'est plus à démontrer, comme en témoigne son inscription au sein des objectifs du millénaire pour le développement (OMD).
Nous rappellerons simplement ici l'importance de l'agrotechnologie pour répondre au défi alimentaire dans les PMA, avant de mettre en évidence les contraintes de leur agriculture et tracer les perspectives qu'offrent les nouvelles technologies agricoles.
Mesdames et Messieurs, nous le savons tous, dans les pays les moins avancés, les gains de productivité agricole ont été limités, voire nuls lors des trois dernières décennies. La principale source de croissance agricole demeure l'expansion horizontale, c'est-à-dire la mise en culture de nouvelles terres.
L'agrotechnologie, l'application de nouvelles technologies à l'agriculture, devrait améliorer la productivité globale des facteurs de production.
Il est donc nécessaire de créer des conditions favorables à leur transfert au sein des PMA qui en manquent cruellement, de déterminer des politiques de développement axées sur la mécanisation agricole afin d'éradiquer la pauvreté et d'atteindre l'autosuffisance alimentaire, ainsi que le montre à l'envi l'exemple Israélien.
Mesdames, Messieurs, en quoi l'agro technologie peut-elle constituer une opportunité pour l'agriculture dans les PMA ?
L'utilisation de nouvelles technologies dans l'agriculture permet de développer le « Know How » des producteurs, d'accroître les rendements, d'améliorer l'efficacité et l'efficience et de mettre en valeur des zones jugées a priori inappropriées aux cultures agricoles.
Des pays comme Israël ont su, avec des technologies appropriées, mettre en valeur des zones aride et semi aride, et c'est l'occasion de féliciter chaleureusement les auteurs du miracle israélien.
Par ailleurs, l'introduction de nouvelles technologies peut permettre d'accroître le niveau des emplois ruraux non agricoles, dans la mesure où les gains de productivité engrangés devraient permettre de libérer une partie de la main-d'Œuvre agricole, abondante et bon marché, enclenchant ainsi le processus de transition économique dans les PMA.
L'autre impact important de l'adoption et de l'utilisation de nouvelles technologies agricoles reste la baisse du niveau des prix des produits alimentaires. En effet, dans le contexte actuel de prix élevés des produits alimentaires, illustrant une des facettes de la crise alimentaire mondiale, une utilisation plus accrue de nouvelles technologies dans l'agriculture permettra, de par les gains de productivité induits, de réduire les coûts de production et par conséquent de faire baisser les prix de vente. Ce qui devra contribuer à faciliter l'accès à une alimentation mieux équilibrée pour tous, tout en libérant une partie du revenu qui pourra être consacrée à des usages autres qu'alimentaires.
Mesdames, Messieurs, nous nous en voudrions de ne pas saisir l'occasion qui nous est offerte de nous exprimer devant une assemblée aussi au fait des questions agricoles, pour vous rappeler les contraintes des agricultures africaines.
En effet, une des premières contraintes qui rendent difficiles l'augmentation et la stabilisation de la production agricole dans les PMA est la maîtrise de l'eau.
En Afrique de l'ouest par exemple, celle-ci est assez peu développée et concerne en premier lieu quelques grands aménagements hydro agricoles (Sénégal et delta intérieur du Niger) où des progrès techniques significatifs sont encore envisageables. Une autre option, à portée potentielle plus importante concerne les bas-fonds, qu'ils soient en zone de savanes ou de forêts.
La deuxième contrainte majeure de l'agriculture dans les PMA est sans doute l'insuffisante promotion des équipements de base, incontournable pour l'amélioration de l'efficacité et de la productivité du travail agricole.
C'est le lieu ici de vous réaffirmer également notre conviction en l'impératif de la mise au point et la diffusion de variétés améliorées, base de l'augmentation de la productivité et de la qualité des productions agricoles. Sans pour autant encourager une polémique sans issue, nous devons avoir le courage de poser la question des organismes génétiquement modifiés (OGM) dans l'agrotechnologie.
Il convient cependant d'insister sur le coût des nouvelles technologies. Celles-ci ne pourront, en effet, produire les effets positifs escomptés que dans la mesure où elles seront abordables pour les agriculteurs, souvent pauvres, et vivant dans des zones où l'accès au crédit n'est pas aisé.
De même, le potentiel issu de l'adoption de nouvelles technologies ne pourra s'exprimer de façon durable que si les sols de plus en plus rares et sollicités sont exploités de façon moins minière, plus durable. L'augmentation des surfaces cultivées, simplement due à la croissance démographique, se fait pour une grande part et de plus en plus par une réduction des durées de jachère. La reconstitution de la fertilité minérale et organique des sols est de plus en plus mal assurée.
Mesdames, Messieurs, Honorables participants, à l'instar de la « Success Story » israélienne, l'enjeu pour les PMA est d'identifier, de mettre au point et de diffuser des pratiques dites d'agriculture de conservation, composante fondamentale d'une gestion durable des ressources naturelles.
Au cŒur de ces pratiques, il importe de reconsidérer le rôle des animaux.
L'élevage joue un rôle clé, que ce soit pour la traction, les transferts de fertilité, la préservation de la matière organique mais aussi dans l'alimentation et dans la sécurisation des revenus des paysans.
Pour sécuriser les récoltes, pour préserver les sols et l'eau, protéger la santé des producteurs et des consommateurs, les pratiques de gestion intégrée doivent continuer à être mises au point et diffusées.
Le principe de Lavoisier à savoir, « rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme », doit être de plus en plus appliqué.
Cependant, laissés à eux seuls, pensez-vous que les agriculteurs africains pourraient relever le défi technologique ? Voila pourquoi dans les perspectives de l'agriculture dans les PMA que nous allons tracer maintenant, nous insistons particulièrement sur la promotion de nouveaux arrangements institutionnels.
Les possibilités techniques de gains de productivité évoqués ci dessus requièrent pour être durables une sécurisation dans l'accès au foncier et aux autres ressources. Même dans les pays disposant de grandes surfaces propices à l'agriculture, la question du foncier se pose aujourd'hui avec acuité.
Il y a donc nécessité d'un cadre législatif et réglementaire mieux adapté, comportant des politiques publiques négociées entre les autorités locales et les groupes sociaux concernés dûment organisés.
Beaucoup d'espoirs sont ainsi mis dans les organisations de producteurs pour compenser certaines défaillances des structures publiques centrales et des marchés.
De même, le processus de réglementation de l'agriculture devrait se réaliser en amont et en aval.
La privatisation de la fabrication et de la distribution des semences pose, en amont, des problèmes d'accès liés à leur brevetabilité. Dans ce domaine, la recherche publique a une responsabilité et un rôle clé à jouer pour limiter les processus d'exclusion des plus démunis.
La privatisation a également montré ses limites que ce soit pour l'approvisionnement en engrais ou pour la fourniture de crédits. Face à tout ceci, les pouvoirs publics en synergie avec les organisations de producteurs ont un rôle important à jouer.
En aval, la tendance serait à l'intégration des producteurs par le commerce et par les entreprises de première transformation, créatrices de valeur ajoutée, d'emplois sur le plan national et incitant les populations à la consommation des produits locaux.
Ces relations contractuelles peuvent contribuer à réduire les risques de marchés pour les producteurs.
Dans un contexte de pays les moins avancés, où les conditions de concurrence pure et parfaite sont parfois illusoires, le danger est réel quant au risque de voir les gains de productivité et d'augmentation des revenus émanant de l'agrotechnologie bénéficier plutôt aux commerçants.
Il s'agit en l'occurrence, de commerçants spéculateurs qui agissent au détriment des producteurs, lesquels représentent souvent plus de 70% de la population et qui vivent généralement en deçà du seuil de pauvreté. Les politiques de réglementation se doivent donc d'assurer des mécanismes jugulant ce risque socio-commercial.
La mise en Œuvre des options techniques et institutionnelles évoquées ci-dessus implique la relance de toute une gamme d'investissements publics dans le domaine des infrastructures et des services publics.
La réhabilitation et l'extension des grands systèmes irrigués restent le principal investissement dans les infrastructures spécifiquement agricoles.
Les infrastructures contribuant le plus aux performances du système agro alimentaire sont certainement celles des transports, routes, voies ferrées et fluviales.
Les infrastructures commerciales (stockage, export, places de marchés) sont synergiques des précédentes et liées aux infrastructures industrielles (zones franches etc).
La bonne information de tous les acteurs implique des investissements importants dans le domaine des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC).
Honorables participants, c'est avec gravité qu'en cette terre chargée d'histoire qu'est Israël, nous abordons pour finir les atouts de l'agriculture togolaise, une agriculture qui voudrait s'appuyer sur le savoir-faire israélien, afin de transformer le tiers de la richesse nationale à laquelle elle contribue en moteur de développement irréversible.
En effet, en dépit des insuffisances qui caractérisent son agriculture, le Togo dispose de plusieurs atouts, lesquels judicieusement exploités, permettraient de relever le défi de la sécurisation alimentaire de ses populations. Il s'agit essentiellement de :
• La disponibilité des ressources naturelles : en effet, seulement 41% des terres propices à l'agriculture sont effectivement exploitées
• Les potentialités d'irrigation inexploitées : 180 000 ha de terre ont une aptitude à l'irrigation
• L'existence de superficies déjà aménagées pour la canne à sucre, la culture du riz, le maraîchage
• La disponibilité d'un port en eau profonde pouvant faciliter l'écoulement de la production mais également l'importation des intrants pouvant permettre d'incorporer plus de technologie dans le secteur agricole pour le rendre plus productif.
• Une position géographique rendant relativement facile l'accès aux marchés nationaux, régionaux et internationaux
• L'existence de centres de formation agricole
• Le caractère compétitif de la main d'Œuvre.
Pour découvrir les autres atouts de l'agriculture togolaise, permettez-nous de saisir l'opportunité qui nous est offerte ce jour de nous exprimer devant cette auguste assemblée, pour inviter l'ensemble de ses membres à visiter notre beau et charmant pays.
Puisse la présence de la délégation Togolaise à la 17ème Exposition Agricole Internationale « Agritech Israël 2009 » contribuer au renforcement des liens d'amitié et de coopération qui existent si heureusement entre Israël et le Togo dans l'intérêt supérieur de nos populations respectives.
Merci de votre attention.