Le Togo vient de franchir une étape décisive dans le processus devant conduire à son éligibilité au MCA, le Millennium Challenge Account.
Le pays va bénéficier en 2016 du programme appelé de seuil (Threshold) qui lui permettra d’atteindre plus rapidement le ‘compact’ dont l’enveloppe peut atteindre 400 millions de dollars d’aide.
D’ores et déjà, le programme Threshold pourrait se concrétiser par l’octroi de plusieurs dizaines de millions de dollars.
Le Millennium Challenge Account est un dispositif conçu par le Congrès américain pour réduire la pauvreté à travers la croissance économique durable dans les pays en voie de développement. Concrètement, les pays en bénéficiant peuvent recevoir des aides se chiffrant à plusieurs centaines de millions de dollars.
Pour Stanislas Baba, le Coordonnateur national de la Cellule MCA – Togo, la décision du MCC est la preuve que le Togo a engagé d’importantes réformes grâce à la politique audacieuse du gouvernement dans des secteurs stratégiques comme les infrastructures économiques, la lutte contre la corruption, les libertés publiques, les libertés politiques, l’amélioration de l’environnement des affaires, et la modernisation de la justice.
Republicoftogo.com : Le Togo a d’ores et déjà rempli 10 des 20 critères exigés par le MCC pour l’éligibilité. A quelle échéance le pays pourra-t-il bénéficier du Compact ?
Stanislas Baba : Permettez-moi tout d’abord d’exprimer un sentiment de satisfaction pour cette reconnaissance des performances de notre pays par les Etats-Unis, la plus grande puissance politique et économique au monde qui ne cesse d’inspirer notre continent. Ils reconnaissent que de bonnes choses se font dans notre pays et chaque Togolais devrait en être fier.
Je voudrais ensuite au nom de toute l’équipe de la Cellule MCA-Togo et des comités sectoriels féliciter le Chef de l’Etat car nous lui devons ce succès.
Avant de revenir sur le processus MCA et ses bénéfices, il est important de noter que nulle part dans les critères d’éligibilité tels que publiés dans la méthodologie du MCC, il n’est exigé de remplir les 20 indicateurs pour être éligible. Le quota requis est de 10 indicateurs sur 20, y compris le contrôle de la corruption, pour obtenir le Compact.
Parlant donc des critères d’éligibilité, il faut rappeler que depuis 2012, le MCC utilise 20 indicateurs pour évaluer les performances des pays et sélectionner ceux dont les politiques permettront aux ressources du MCA de contribuer efficacement à la réduction de la pauvreté et favoriser la croissance.
Ces indicateurs sont regroupés en trois grandes catégories :
- Liberté économique : la qualité de la réglementation, les droits fonciers, la création d’entreprise, la politique commerciale, l’inflation, le genre dans l’économie, l’accès au crédit et la politique budgétaire ;
- Investissement dans la capital humain : le taux d’immunisation, la santé infantile, les dépenses de santé, les dépenses d’éducation primaire, le taux d’achèvement du cycle primaire pour les jeunes filles et la gestion des ressources Naturelles ;
- Bonne gouvernance : les droits politiques, les libertés civiles, la liberté d’information, l’efficacité des pouvoirs publics, l’état de droit et le contrôle de la corruption.
Les financements du MCC couvrent deux types de programmes de réduction de la pauvreté, le programme ‘Compact’ et le programme ‘Treshold’. Et tout pays ayant rempli les critères requis est éligible à l’un des deux programmes.
Pour être éligible au Compact, il faut :
- passer la moitié des indicateurs (10 indicateurs sur 20), avec au moins un indicateur dans chaque catégorie (cela veut dire que le score pour ces indicateurs est supérieur à la médiane (score moyen annuel) fixée pour le groupe de pays auxquels le pays candidat appartient (pays à revenu faible ou pays à revenu intermédiaire) ; ou
- atteindre le seuil absolu fixé (uniquement pour certains indicateurs) ;
En plus des deux critères, il est nécessaire :
- de passer au moins un des indicateurs relatifs aux droits démocratiques (Libertés Civiles ou Droits Politiques) et surtout ;
- de valider l’indicateur relatif au Contrôle de la Corruption qui est un indicateur éliminatoire.
Pour résumer, il faut réaliser 10 indicateurs MCC, y compris l’indicateur sur le contrôle de la corruption pour obtenir le Compact.
Le Togo aurait pu obtenir le Compact dès cette année si l’indicateur sur le contrôle de la corruption qui, bien qu’ayant considérablement progressé, avait été validé parce que comme vous pouvez le constater, les trois autres critères ci-dessus requis ont été validés.
Par ailleurs, pour l’éligibilité au Treshold, le conseil d’administration considère l’importance des efforts réalisés pour la validation des indicateurs, autrement dit, la tendance à la hausse sur la performance globale du pays sur des années successives. C’est d’ailleurs le cas du Togo qui est passé de 5 à 7 puis à 10 indicateurs sur les trois années. En termes de pourcentage, les données du pays ont connu une amélioration significative sur 17 des 20 indicateurs.
En outre, 6 autres indicateurs ont des scores qui se situent juste en dessous de la médiane. Avec l’engagement renouvelé des autorités, nous comptons maintenir le cap pour l’atteinte rapide de l’objectif ultime qu’est le Compact.
Il est nécessaire de noter que le gouvernement des Etats-Unis dispose d’un pouvoir discrétionnaire et peut décider quel pays est éligible. Cela veut dire qu’un Etat peut remplir les critères exigés et ne pas être éligible au MCA. Ce fut le cas des onze pays potentiellement éligibles pour un premier ou un second compact avec des indicateurs validés variant entre 12 et 17 et qui n’ont pas été retenus.
Republicoftogo.com : Une mission du MCC est attendue en début d’année à Lomé. Quelle enveloppe financière espérez-vous obtenir du Programme Seuil ? Quelles sont les secteurs prioritaires que vous allez mettre en avant auprès de vos interlocuteurs américains ?
Stanislas Baba : Le processus du MCC est complexe et très compétitif. Après avoir annoncé à notre pays sa sélection pour le Treshold, une mission de l’Agence est attendue dans les prochaines semaines pour engager des discussions et aider à la préparation du programme. Il sera ensuite soumis au conseil d’administration à Washington qui décidera de l’enveloppe à allouer au Togo.
Le Millennium Challenge Account finance les projets dans différents domaines prioritaires comme l’agriculture et l’irrigation, les transports (routes, ponts et ports), l’énergie, l’approvisionnement en eau potable et assainissement, l’accès à la santé, le développement des entreprises et de la finance, les initiatives de lutte contre la corruption, les droits et accès à la terre, l’accès à l’éducation, etc…
Il convient de souligner que le MCC exige que les pays sélectionnés identifient les priorités pour parvenir à une croissance économique durable et à la réduction de la pauvreté.
Republicoftogo.com : Dans l’hypothèse d’une obtention du Compact, à combien pourrait se monter l’aide du MCC et dans quels secteurs en particulier ?
Stanislas Baba : Le montant de l’assistance peut atteindre 500 millions de dollars pour les pays pauvres, selon la disponibilité des ressources votées par le Congrès US et la nature du programme soumis par le pays et accepté par le conseil d’administration Millenium.
Republicoftogo.com : On a le sentiment que le MCC a été beaucoup plus rigoureux à l’égard du Togo qu’il ne l’a été pour d’autres pays africains ? Partagez-vous ce point de vue ?
Stanislas Baba : Le MCC est une agence innovante dont l’approche méthodologique est très rigoureuse et scientifique.
Il est important de noter que l’Agence n’évalue pas les pays candidats à l’éligibilité mais collecte des données produites par des institutions indépendantes d’évaluation (FMI, Banque Mondiale, UNESCO, OMS, Heritage Foundation, Freedom House, etc.) pour établir la carte des scores des pays en calculant la médiane de chaque indicateur sur la base des scores des pays appartenant au même groupe (groupe des pays à faible revenu ou groupe des pays à revenu intermédiaire).
Par conséquent, tous les pays candidats sont traités de façon égale par le MCC. Donc je ne peux pas dire que le MCC a traité le Togo avec plus de rigueur que d’autres.
Republicoftogio.com : L’obtention du Programme Seuil est l’aboutissement d’un long travail. Qu’est ce qui a changé au Togo pour permettre de parvenir à cette décision du MCC ?
Stanislas Baba : La bonne performance du Togo selon le MCC est la preuve que d’importantes réformes ont été entreprises grâce à la politique audacieuse du gouvernement dans les secteurs stratégiques tels que les infrastructures économiques, la lutte contre la corruption, les libertés publiques, les libertés politiques, l’amélioration de l’environnement des affaires et la modernisation de la justice.
Cette première étape est l’aboutissement d’un engagement politique fort car le chef de l’Etat en a fait l’une de ses priorités. Mais c’est aussi le fruit d’un travail gouvernemental efficace avec des réformes courageuses menées pour asseoir durablement la bonne gouvernance politique, économique et sociale.
C’est également le résultat d’une diplomatie convaincante qui a su donner une bonne image de notre pays auprès de l’opinion publique américaine et de toutes les institutions partenaires du Millenium Challenge Corporation. C’est efin l’aboutissement d’un soutien essentiel, celui de l’Ambassade des Etats Unis à Lomé et le fruit d’une coopération exemplaire avec le MCC.
Je tiens aussi à exprimer ma reconnaissance à toute l’équipe de la Cellule MCA-Togo et à tous les acteurs au développement notamment, l’administration publique, la société civile et le secteur privé, mais aussi de tous les partenaires techniques et financiers qui nous soutiennent dans ce processus, au premier rang desquels le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).