L'Afrique devrait échapper aux effets immédiats de la crise financière dans les pays industrialisés, mais sera confrontée à terme à des risques économiques majeurs avec une baisse de la demande mondiale et un accès limité aux financements, selon la Banque africaine de développement.
"L'Afrique est moins exposée en raison de ses relations limitées avec la communauté financière internationale (...), mais j'ai des raisons de m'inquiéter sérieusement des effets économiques à terme sur le continent", a averti mardi Donald Kaberuka, président de la Banque africaine de développement (BAD).Parlant de "la fin d'une époque", le patron de la BAD a préféré insister sur la menace engendrée par les troubles financiers pour la croissance en Afrique.
"C'est l'effet économique à long terme qui nous cause d'énormes soucis", a-t-il dit au cours d'une conférence de presse à Tunis, prévoyant des "retombées variables" selon les pays du continent.
Les Etats à économie plus ou moins ouverte au mouvement des capitaux seront les plus touchés par le déséquilibre des taux de change, a-t-il averti.
Globalement, les réserves externes de l'Afrique sont passées de 1 milliard de dollars en 2002 à 4 voire 5 milliards déposés actuellement dans les banques étrangères. "Cela pose quand même problème!", a-t-il lancé.
En général, les économies africaines seront frappées par le fléchissement attendu de la croissance mondiale et une baisse de la demande après une décennie de croissance au taux annuel de 7% grâce à la demande du pétrole et de matières premières (café, cacao...).
"Nous allons dans une phase de demande réduite" et l'effet se fait déjà sentir dans certains marchés émergents (Inde, brésil, Chine), a affirmé le président de la BAD.
De nombreux pays au sud du Sahara seront affectés par un recul attendu des transferts financiers de leurs ressortissants immigrés dans les pays de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), le volume de ces avoirs dépassant pour certains celui des exportations ou de l'aide publique.
La crise financière rendra également les fonds plus coûteux pour les Etats à revenu intermédiaire, qui n'auront plus l'accès facile aux marchés des capitaux (Afrique du Sud, Tunisie, Maroc, Egypte), a-t-il ajouté.
Il y a un risque de récession pour les pays qui dépendent du tourisme et ceux qui sont déjà fragilisés par la crise alimentaire ou les conflits (Malawi, Centrafrique, Sierra Leone, Burundi, Liberia, Côte d'Ivoire).
Autres craintes de l'Afrique: une remontée du protectionnisme et le coût élevé du sauvetage du système financier qui va peser sur les budgets et risque de grever l'aide publique au développement.
Décrivant un "système multilatéral en disfonctionnement total", il a prévu "des années sombres", si jamais l'aide au développement devait être considérée comme "une dépense non-prioritaire".
Il a cependant écarté la fin du système des marchés et "exhorté" les Etats d'Afrique à aller de l'avant avec leurs réformes macroéconomiques.
Pour lui, l'Afrique restera "une destination attrayante" pour les investissements grâce à un meilleur climat d'affaires et au "risque minime" pour le système financier.
Confirmant les prévisions de croissance au taux moyen de 6,5% en 2008, l'ex-ministre rwandais des Finances a affirmé la solidité du groupe qu'il dirige depuis 2005, grâce à "un bon matelas" de liquidités.
La BAD "s'inquiète et prône la vigilance", a-t-il lancé avant d'évoquer des mesures décidées par le groupe depuis le début de la crise, en juillet, pour mieux accompagner l'Afrique et préserver le "bon rating" de la banque.
Fondé en 1964, le groupe (77 Etats membres) compte parmi les cinq principales banques multilatérales de développement au monde, avec des financements records à 4,3 milliards de dollars en 2007.