Quelles sont les conséquences de la hausse des taux d'intérêt ?
L'inflation a démenti les prévisions partout dans le monde.
L'inflation a démenti les prévisions partout dans le monde.
La moitié des banques centrales des économies en développement qui cherchent à la juguler enregistrent désormais des taux supérieurs à leur fourchette cible.
La croissance économique ralentit dans les économies à revenu faible et intermédiaire. Et le début du cycle de resserrement de la politique monétaire auquel on assiste est déjà sans précédent dans un passé récent. Dans un mois, la banque centrale des États-Unis devrait relever ses taux directeurs et les investisseurs se préparent à une hausse importante, la plus forte en plus de 20 ans .
Cette perspective fait planer des menaces sur les économies en développement.
L'évolution des taux directeurs américains, et en particulier l'ampleur des variations et le degré de surprise des marchés, est souvent un indicateur fiable des crises à venir dans ces économies. Les crises monétaires, bancaires et de la dette ont souvent d'importantes causes internes. Néanmoins, depuis les années 1970, elles sont beaucoup plus susceptibles de se produire lorsque la Réserve fédérale entreprend de relever ses taux d’intérêt.
Historiquement, les pays en développement disposant d'une large marge de manœuvre monétaire et budgétaire, associée à des balances courantes saines, une inflation maîtrisée et de solides perspectives de reprise, ont été en mesure de résister aux hausses de taux des économies avancées.
Aujourd'hui toutefois, la pandémie de COVID-19 a miné ces défenses dans un grand nombre d'économies en développement, et les investisseurs l'ont bien compris : les flux de capitaux vers les marchés émergents ont fortement chuté entre décembre et janvier, et de nombreux pays ont déjà commencé à subi des retraits de capitaux.
Les économies en développement ont encore le temps de se protéger , car malgré les soubresauts des marchés ces derniers temps, les conditions financières leur restent relativement favorables. Les rendements des bons du Trésor américain à dix ans — l'indicateur le plus important — ont bondi ces derniers mois, mais demeurent bien en deçà des niveaux qui ont précédé la crise financière mondiale de 2009.
Il en va de même pour les obligations allemandes à dix ans.
Les responsables politiques seraient donc bien avisés de profiter de l'occasion pour mettre en place des mesures défensives aussi rapidement que possible, et en particulier celles qui suivent.
Certains pays sont exposés à des périls financiers et économiques élevés, résultant d'une dette et de risques de refinancement importants , d'un ralentissement de la croissance et d'une marge de manœuvre limitée en matière de politique budgétaire et monétaire. Ils devraient donc commencer par prendre des mesures préventives, entre autres la mise en place un comité de réponse à la crise, la réduction des risques de refinancement en menant des opérations de gestion du passif, et la création de lignes de crédit de précaution.
D'autres pays sont principalement sujets à des risques économiques, dus en partie à la combinaison d'une dette élevée et d'un lien étroit entre la monnaie locale et le dollar américain. Ils devraient notamment renforcer leurs outils de gestion monétaire afin de limiter la volatilité du change et, à moyen terme, s'efforcer aussi de réduire la dette et d'atténuer les déficits budgétaires structurels.
Un troisième groupe de pays fait surtout face à des risques financiers résultant d'un changement brutal de la propension au risque des investisseurs, qui diminue les flux de capitaux étrangers et réduit la liquidité des marchés financiers locaux.
Pour ces pays, assurer la liquidité et la stabilité du secteur financier doit être une priorité. Il conviendrait également qu'ils prennent des mesures pour réduire leur dépendance à l'égard des flux de capitaux étrangers tout en renforçant les cadres d'insolvabilité nationaux.
Enfin, certains pays sont dans une position relativement favorable. Leur niveau de risque est faible, essentiellement parce qu'ils ne sont pas des emprunteurs actifs sur les marchés internationaux et qu'ils n'ont pas beaucoup de dette à refinancer. Il s'agit notamment de nombreux pays à faible revenu, dont la tâche principale consistera à maintenir la liquidité du secteur bancaire. Un accroissement des émissions d'obligations locales peut y contribuer.
Le monde sort d'une période exceptionnelle de succès en matière de politique monétaire. Une période où l'inflation est tombée à des niveaux extraordinairement bas, de même que les taux d'intérêt, dans la plupart des régions du monde. Une période où la croissance économique a favorisé une prospérité partagée à un degré rarement vu par le passé.
Il n'est pas écrit que le retour à un contexte plus conventionnel, caractérisé par une inflation plus élevée et des taux d'intérêt réels positifs, doive nécessairement déboucher sur une crise.
Toutefois, c'est dès maintenant qu'il faut agir pour éviter une crise évitable.
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Indermit Gill
Économiste en chef du Groupe de la Banque mondiale et premier vice-président pour l’Économie du développement © Brookings Institute