Le bi-hebdomadaire « Forum de la Semaine » revient dans son édition de jeudi sur la visite qu'a effectué le Premier ministre en Israël la semaine dernière. « Raviver les flammes de la Ménorah », c'est ainsi que le journal décrit l'esprit de ce déplacement qui avait pour ambition de relancer la coopération entre le Togo et Israël. Au sommaire également des articles sur la situation politique ; articles dans lesquels le président Faure Gnassingbé n'est pas ménagé. Pas surprenant pour un journal résolument critique -parfois trop systématiquement- à l'égard du pouvoir.
##S_B##Voici une sélection d'articles publiés par Forum de la Semaine.
VISITE DU PM EN ISRAEL :
RAVIVER LES FLAMMES DE LA MENORA DES DEUX PEUPLES
Dans les années soixante et soixante dix, s'il y a un Etat qui était très présent au Togo avec des projets en matière d'irrigation et de construction de fermes-pilote, c'est bel et bien l'Israël. Mais la visite tambours battants de Yasser Arafat dans la capitale togolaise et d'autres événements ont fait refroidir l'ardeur de ce lien porteur d'espoir et source de développement pour les deux peuples. Raviver la flamme de cette coopération, ou mieux, de cette Ménorah(Chandelier à 7 branches jamais éteintes au Saint des Saints du temple hébraïque) qui s'est réduite au fil des ans. Tel est l'objectif du Premier Ministre Gilbert Fossoun Houngbo qui a effectué du 3 au 8 mai dernier dans l'Etat hébreux. De notre envoyé spécial Dimas DZIKODO.
Tel-Aviv. C'est par cette ville centenaire que le Premier ministre togolais, Gilbert Fossoun Houngbo, a débuté en milieu d'après-midi du dimanche 03 mai dernier, une visite officielle de cinq jours sur la terre israélienne. Il a été accueilli à son arrivée à l'aéroport Ben Gourion par le héros de la guerre des 6 jours et de celle de Kippour le ministre Yossi Peled, et par l'adjoint au directeur général du ministère des Affaires Etrangères et ancien ambassadeur au Togo (1987-1991) M. Jacques Revah.
Le Premier Ministre togolais était à la tête d'une imposante délégation comprenant plusieurs ministres (Kossi Ewovor de l'Agriculture et Guy Lorenzo du Commerce), les membres de la Chambre de commerce et d'Industrie (CCIT) avec leur Président Jonathan Fiawoo ainsi que des représentants du Patronat avec à leur tête leur Président Nakou et d'autres opérateurs économiques; le but visé étant la promotion du secteur privé togolais en synergie avec celui d'Israël.
La journée du lundi 04 mai 2009 n'a pas été de tout repos pour le Premier Ministre togolais et sa suite. Gilbert Houngbo et la délégation qui l'accompagne ont été reçus par les responsables de Netafim, une entreprise, propriété de 3 kibboutz et d'un fonds d'investissement américain, qui s'est spécialisée dans l'irrigation goutte à goutte et qui a réalisé un chiffre d'affaires d'un milliard de dollars l'année dernière. Elle dispose d'usines en Inde, aux Emirats, en Turquie, en Afrique du Sud et au Maroc, notamment. Netafim est spécialiste de la technologie du goutte à goutte qui permet d'irriguer uniquement la plante, mais pas le sol permettant ainsi d'économiser près de 60% d'eau. Ce système est d'ores et déjà utilisé avec d'évidents résultats, en qualité et productivité, par plusieurs pays africains dont le Mali, le Niger et le Burkina.
Le chef du gouvernement et toute sa délégation ont suivi avec un grand intérêt les explications des responsables de la société qui ont déclaré être disponibles pour exporter leur technologie au Togo pourvu qu'ils soient sollicités dans ce sens. « Une technologie qui pourrait être utilisée au Togo au moment où le pays travaille à un plan de relance du secteur agricole », a déclaré le Ministre de l'Agriculture,M. Kossi Ewovor.
Auparavant, au cours de la même journée, Le Premier ministre s'était rendu au siège de la société « Ebony » à Herzliya (banlieue de Tel-Aviv), une entreprise à vocation internationale spécialisée dans l'agriculture, les télécoms, l'énergie, la sécurité et l'agro-alimentaire. Déjà présent en Ouganda et au Kenya, Niso Bezalel, le président d'Ebony, a exprimé le souhait de pouvoir développer des relations économiques avec le Togo.
A noter aussi que M. Houngbo et sa suite ont débuté la journée au Centre Davidoff de Petach Tikva (banlieue de Tel-Aviv), une unité de pointe dans le traitement du cancer qui dépend de l'hôpital de Belinson dont les responsables ont indiqué être prêts à fournir une assistance au Togo dans le domaine de la formation.. 142.000 admissions ont été enregistrées en 2008 et près de 35.000 interventions réalisées, dont 4.000 opérations de la cataracte. 65.400 patients ont fréquenté le Centre Davidoff pour les seuls soins de radiothérapie. Les responsables construisent des hôpitaux clé en main et sont disponibles à assister le Togo dans le domaine de la santé, comme l'a souhaité le Premier Ministre.
Le mardi sera un jour empreint d'une forte charge émotionnelle pour le Premier Ministre et sa suite. Gilbert Houngbo a visité et parcouru le Yad Vashem à Jérusalem, un lieu de mémoire, de recherche, d'enseignement et un complexe muséologique exceptionnel érigé contre l'oubli des crimes odieux et abominables que les nazis ont commis lors de la Shoah sur le peuple juif et dont ils voulaient effacer jusqu'aux traces. Yad Vashem rassemble les noms des victimes juives d'Auschwitz, Majdanek, Treblinka, Belzec, Sobibor, Chelmno et des innombrables autres lieux d'assassinat.
« Aujourd'hui fut une journée mémorable pour toute ma délégation et moi-même. Plus jamais, plus jamais. Gloire au Seigneur Tout Puissant. Amen ! ». Ces sont mots sont gravés de façon indélébile sur le livre d'or du mémorial de Yad Vashem par le Premier ministre du Togo, Gilbert Houngbo.
Car en effet, le Yad Vashem a pour but de perpétuer la mémoire individuelle et collective des victimes de la Shoah, d'honorer les Justes des Nations et de tout mettre en Œuvre pour s'assurer que le Monde n'oubliera jamais.
Juste après cette charge émotionnelle, M. Houngbo s'est fait recevoir par son homologue israélien le Premier ministre, Benyamin Netenyahu. Les deux Chefs de gouvernement ont évoqué entre autres sujets importants touchant leurs deux peuples et leurs nations, les questions relatives au processus de paix dans la région et les tensions persistantes de même que les conflits qui affectent plusieurs pays d'Afrique.
Répondant au Premier Ministre Gilbert Houngbo qui demandait aux opérateurs économiques israéliens d'être plus actifs et plus visibles au Togo et en Afrique, le Premier ministre israélien a souhaité développer les relations bilatérales, tant au niveau politique que diplomatique et a promis prendre des dispositions pour que les entreprises israéliennes soient plus présentes et plus actives sur le continent en général et au Togo en particulier. Il n'a pas exclu une visite au Togo après avoir souhaité d'accueillir le Président de la République togolaise sur la terre juive.
Avant de visiter dans l'après-midi, une ferme pilote, « Afrimilk », située près de Tel-Aviv et dont les rendements de production de lait sont impressionnants où le responsable des ventes, Barak Wittert, a expliqué qu'un transfert de technologie vers le Togo était aisément envisageable, le Premier ministre, Gilbert Houngbo, était le mercredi l'invité du Salon « Agritech » de Tel-Aviv pour parler agriculture.
« Agritech » accueille du 5 au 7 mai des milliers de visiteurs venus d'Afrique, d'Europe ou d'Asie. La veille déjà, M. Houngbo avait eu l'honneur d'inaugurer le salon aux côtés des ministres de l'Agriculture et du Commerce d'Israël en coupant le ruban d'ouverture.
En marge du salon, différentes conférences sont organisées sur le thème: « Crise alimentaire mondiale, comment relever le défi » M. Houngbo a rappelé l'importance de l'agrotechnologie pour répondre au défi alimentaire dans les PMA.
« L'agrotechnologie, l'application de nouvelles technologies à l'agriculture, devrait améliorer la productivité globale des facteurs de production. Il est donc nécessaire de créer des conditions favorables à leur transfert au sein des PMA qui en manquent cruellement », a indiqué le PM après avoir relevé que « L'utilisation de nouvelles technologies dans l'agriculture permet de développer le « Know How » des producteurs, d'accroître les rendements, d'améliorer l'efficacité et l'efficience et de mettre en valeur des zones jugées a priori inappropriées aux cultures agricoles ».
Il a également mis en valeur les atouts de l'agriculture togolaise, « une agriculture qui voudrait s'appuyer sur le savoir-faire israélien, afin de transformer le tiers de la richesse nationale à laquelle elle contribue en moteur de développement irréversible », a ajouté le Premier ministre togolais tout en évoquant auparavant l'épineuse question des OGM :« C'est le lieu ici de vous réaffirmer également notre conviction en l'impératif de la mise au point et la diffusion de variétés améliorées, base de l'augmentation de la productivité et de la qualité des productions agricoles. Sans pour autant encourager une polémique sans issue, nous devons avoir le courage de poser la question des organismes génétiquement modifiés (OGM) dans l'agrotechnologie», a assené le Premier Ministre Houngbo
Juste avant de prendre la parole, Gilbert Houngbo s'était entretenu avec le ministre israélien de l'Agriculture, Shalom Simhon.
Le jeudi matin, après avoir planté un arbre dans la forêt de Jérusalem ; une tradition qui est le symbole de la paix et de l'amitié, le Premier ministre Gilbert Houngbo s'est entretenu avec Daniel Ayalon, le vice-ministre israélien des Affaires Etrangères. Au terme d'un déjeuner officiel, les deux personnalités ont signé une déclaration commune soulignant le « haut degré de compréhension » entre le Togo et Israël.
Le document indique que le Premier ministre (Benyamin Netanyahu ) et le vice-ministre des Affaires étrangères d'Israël souhaitent promouvoir la coopération bilatérale. Après avoir évoqué les voies nouvelles de la coopération mutuelle, les officiels des deux pays ont décidé de développer leurs relations dans les domaines de la santé, de la médecine, de l'agriculture, de l'éducation et des questions de développement. Benyamin Netanyahu a invité les représentants gouvernementaux israéliens et les entreprises du secteur privé à effectuer des visites au Togo pour examiner les opportunités.
La déclaration commune souligne également que l'Etat hébreu va étudier les possibilités d'établir un accord bilatéral entre Israël et le Togo par l'intermédiaire de « Mashav », l'Agence israélienne de coopération internationale.
Le Premier ministre et la délégation qui l'accompagne ont profité de leur séjour à Jérusalem pour visiter la ville trois fois sainte, une ville séculaire dont le Souverain sacrificateur, Melschisédek qui n'a ni commencement ni fin du jour était Roi et à qui Abraham avait apporté la dime de son butin au retour de la défaite des rois dans les temps bibliques. Golgotha, Saint-Sépulcre, Souks, Mur des Lamentations (où le Premier Ministre, Chrétien convaincu, a prié pour le Togo, le peuple et leurs dirigeants) et excavations archéologiques, étaient au programme du Premier Ministre Houngbo et sa délégation. Un parcours multi-religieux très émotionnel qui a apporté beaucoup de bénédictions aux officiels togolais et à travers eux, à tout le peuple en entier.
Shalom !
Politique
Entre conservatisme tenace et volonté de changement :
Faure Gnassingbé s'enlise face à la dure problématique des réformes
L'entourage du Président de la République continue de soutenir mordicus que l'affaire Kpatcha n'est rien d'autre que la face visible d'un affrontement sans merci au sein du régime RPT entre, d'un côté, des conservateurs nostalgiques de la dictature pure et dure et de l'autre, des réformateurs soucieux de conduire résolument le Togo vers la démocratie pluraliste. Qu'à cela ne tienne. Depuis son arrivée au pouvoir, Faure Gnassingbé a beaucoup parlé de réformes. Dans les actes concrets, il en a fait très peu ou pas du tout. Depuis que les supposés conservateurs sont tous en prison, plus rien, en principe, ne devrait s'opposer à une accélération des réformes tant promises.
Dans quelques mois, l'actuel Président se présentera à nouveau devant les électeurs togolais pour solliciter leur confiance en vue d'un second mandat pour poursuivre et parachever les réformes qu'il a commencées ou qu'il n'a pas pu faire à cause, dira-t-il, « des conservateurs de son propre camp ». Ouf ! Pour une fois, ce ne sont plus la grève générale illimitée et la rupture de la coopération qui sont pointées du doigt comme étant la cause de l'immobilisme de l'Etat face aux grands défis auxquels notre pays est confronté.
La grève générale illimitée s'est arrêtée depuis le mois Juillet 1993 suite à la signature des accords de Ouagadougou. La reprise pleine et entière de la coopération avec l'Union Européenne et les autres partenaires au développement est effective depuis 2007 suite aux élections législatives jugées « transparentes et démocratiques » par la communauté internationale. Les supposés conservateurs sont tous en prison. Plus rien ne devrait normalement s'opposer à une accélération des réformes tant promises.
A défaut de réaliser les réformes inscrites dans son propre programme électoral, on est en droit d'attendre du Président qu'il se cache ou fasse semblant de se cacher derrière l'Accord Politique Global (APG) pour au moins mener à bien les réformes qu'il s'était engagé à faire au titre de l'APG.
La plupart des observateurs politiques avisés doutent en réalité de la capacité du système RPT à réformer le Togo. « Faure est un Président peut-être volontariste mais qui n'a pas et n'aura jamais les moyens d'une vraie politique de rupture avec le système RPT s'il ne se les donne pas lui-même », a reconnu humblement un membre de l'entourage du Chef de l'Etat.
Cet aveu rejoint l'avis de tous ceux, de plus en plus nombreux qu'on regroupe sous l'appellation des « déçus de Faure ». Les refrains répétés de l'UFC et de son président Gilchrist Olympio ont fini par focaliser la question des réformes autour des seules réformes constitutionnelles et institutionnelles. Or, tout, au Togo, est à faire ou à refaire. Selon tous les spécialistes, y compris au sein du parti au pouvoir, les réformes constitutionnelles et institutionnelles sont les plus simples à mener.
Il suffirait, pour cela, de s'en tenir à l'APG qui stipule en son point 3.2 que « Les Parties au Dialogue National engagent le Gouvernement à étudier les propositions de révision constitutionnelle, notamment: le régime politique, la nomination et les prérogatives du Premier Ministre, les conditions d'éligibilité du Président de la République, la durée et la limitation des mandats présidentiels, l'institution d'un Sénat, la réforme de la Cour Constitutionnelle. Le Gouvernement prendra en charge ces propositions pour la prochaine législature ».
Les six points contenus dans cette recommandation de l'APG correspondent, à l'article 70 près, aux modifications unilatérales introduites en 2002 dans la Constitution de 1992 par l'Assemblée monocolore RPT. A l'époque, les objectifs étaient triples. Premièrement, empêcher à tout prix la candidature de Gilchrist Olympio. Sans même avoir fait campagne, le leader de l'UFC avait ridiculisé Eyadéma à la présidentielle de 1998. L'humiliation a certainement été trop grande pour le système RPT et pour celui qu'il prenait pour dieu sur la Terre de nos aïeux.
Deuxième objectif, permettre au Général Président de se maintenir à vie au pouvoir. Terrorisé par la perspective d'avoir à passer un jour devant le Tribunal Pénal International pour toutes les dérives autoritaires ou autres crimes que l'opposition lui reproche, Eyadèma voulait se réfugier derrière le rempart du pouvoir dont il faisait à raison, la condition sine qua non de sa survie physique.
Le troisième objectif de ces modifications unilatérales était de débarrasser la Constitution de toutes les dispositions limitatives du pouvoir du Président de la République. Le système RPT et son chef n'étaient pas de nature à s'embarrasser de considérations constitutionnelles. Le RPT disait que son chef tenait son pouvoir de Dieu et il ne pouvait pas concevoir que des hommes sur terre puissent imposer des limites à son pouvoir divin.
La question essentielle qui se pose aujourd'hui est de savoir si Faure Gnassingbé veut réellement moderniser le Togo ou s'inscrire dans la tradition totalitariste de son défunt père ? On pourrait répondre par l'affirmatif si l'on tenait compte uniquement de son « lui c'est lui, moi c'est moi » lorsqu'il voulait faire montre de la rupture qu'il comptait opérer vis-à-vis du système décrié du RPT. Les réformes préconisées par l'APG ne sont pas fortuites. Les dispositions unilatérales introduites dans la Constitution sont un recul, voire un déni de la démocratie. Et la barre doit être relevé !
A titre d'exemple, le régime politique en cours actuellement au Togo n'existe nulle part au monde. Le Premier Ministre n'a constitutionnellement pas grand pouvoir. Et pourtant, lui et son gouvernement sont responsables devant l'Assemblée Nationale pour une politique définie en réalité par le Président de la République.
La version actuelle de la Constitution comporte des incohérences et des contradictions indignes d'un Etat de droit. En son article 77, la Constitution stipule « Sous l'autorité du Président de la République, le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation et dirige l'administration civile et militaire. Il dispose de l'administration, des forces armées et des forces de sécurité. Le Gouvernement est responsable devant l'assemblée nationale ».
Que se passerait-il dans le cas où la majorité présidentielle et la majorité parlementaire ne sont pas du même bord ? Le Gouvernement placé sous l'autorité du Président mais, responsable devant l'Assemblée Nationale conduirait quelle politique ? Celle du Président ou celle de la majorité parlementaire ? Il est important qu'un choix clair soit fait entre un régime présidentiel, un régime parlementaire ou semi parlementaire et que soient clairement définies les prérogatives des uns et des autres.
S'agissant des conditions d'éligibilité, Faure Gnassingbé doit indiquer à ses compatriotes s'il s'inscrit dans la logique d'exclusion érigé en règle d'or par le RPT ou s'il entend rompre avec des pratiques obsolètes qui ont toujours fait la honte de notre pays. Faure a-t-il peur de subir la même humiliation électorale que son père en 1998 ? Faure Gnassingbé prend-il alors à son compte le contentieux historique qui opposait Eyadéma et Gilchrist Olympio ?
Gilchrist Olympio a eu le courage et l'humilité de rencontrer plusieurs fois Faure Gnassingbé. Le maintien dans la Constitution des dispositions d'exclusion continuera d'être un frein scandaleux à la réconciliation. On ne peut pas demander à Gilchrist Olympio de tourner la page en continuant à le traiter comme un Togolais entièrement à part. Alors qu'il n'est d'ailleurs pas le seul dans le cas d'espèce.
Sur le même registre, la suppression de la limitation du nombre de mandats constitue ni plus, ni moins, un refus de l'alternance. Le refus obstiné de l'alternance et du partage du pouvoir finit tôt ou tard par pousser à des actes de désespoir qui mettent en danger la démocratie et, partant, la République. Le Ghana vient à peine de nous servir une belle leçon en la matière et tous nos voisins de l'Ouest s'en étaient sortis grandis, fiers d'appartenir à une nation qui force le respect de la communauté internationale toute entière.
En réalité, la problématique à laquelle Faure Gnassingbé est confrontée dans la gestion des réformes est très profonde et récurrente. Tous les dirigeants réformateurs ont été confrontés aux mêmes équations. L'ouverture vers la démocratie finit forcément par emporter son initiateur alors que Faure Gnassingbé semble vouloir ramasser séance tenante les dividendes de ces réformes. L'exemple le plus cité est celui de Michael Gorbatchev, l'ancien Président de l'ex URSS.
Dans l'ex URSS, Gorbatchev avait été applaudi lorsqu'il avait instauré la « glasnost » (transparence), lancé la « perestroïka » (restructuration), libéré la presse, supprimé la censure, fermé les goulags, rendu leur indépendance aux pays du Pacte de Varsovie, accordé l'indépendance aux Etats membres de l'ex URSS, et de loin, permis la destruction du Mur de Berlin et la réunification des deux Allemagnes et enfin, libéré tous les prisonniers politiques.
Avant Gorbatchev, le numéro un du Kremlin était élu par le parti. C'est lui qui a institué l'élection du Président au suffrage universel pour cinq ans. C'est lui, Gorbatchev qui a lancé la modernisation de la Russie comme Etat moderne sur le plan industriel, financier et politique. Lorsque ce 18 août 1991, les Généraux de la « Nomenklatura », opposés aux réformes, ont tenté de destituer le Président Gorbatchev, c'est tout le peuple qui s'était soulevé avec à sa tête Boris Eltsine, alors patron de la Fédération de Russie et adversaire politique déterminé de Gorbatchev.
Lauréat du Prix Nobel de la Paix, adulé à travers le monde entier, Gorbatchev n'a pas dépassé les 5% à la dernière élection présidentielle à laquelle il s'était présenté. En mettant bout à bout ceux qui lui reprochaient d'avoir tué le communisme, ceux qui lui reprochaient d'être resté communiste, ceux qui lui reprochaient de ne pas être allé assez loin dans les réformes, ceux qui lui reprochaient d'être allé trop loin dans les réformes et ceux qui lui reprochaient d'avoir démantelé l'empire soviétique, Gorbatchev, le héros et le père fondateur de la Russie moderne ne représente plus aujourd'hui rien sur le plan électoral. On pourrait également citer le cas du Général de Gaulle qui a dû se retirer définitivement de la politique après avoir été désavoué par les Français.
Faure Gnassingbé a certainement conscience de ce que les réformes pourraient faire perdre le pouvoir à sa famille au sens le plus large (famille Gnassingbé et alliés, Armée, clan politico-mafieux, réseaux d'affaires, etc.). Tous ceux qui ont réussi les réformes se sont entourés de gens qui partageaient avec eux les vertus des réformes. Ce qui apparemment n'est pas le cas du Chef de l'Etat togolais. « En supposant que Faure Gnassingbé soit animé d'une réelle volonté de rupture, son entourage est tout sauf acquis aux réformes. Ce qui semble de plus en plus visible, c'est que, Faure Gnassingbé et son entourage sont plus unis par leur volonté et leur instinct de conservation du pouvoir à tout prix que par une réelle volonté de changement», a confié à notre rédaction un leader de l'opposition
Lorsque l'instinct de conservation l'emporte systématiquement sur la volonté de changement, les réformes se font plus dans les discours que dans les actes concrets de gouvernement, ce qui semble être le cas aujourd'hui du RPT. Il fait des réformes, plus un faire valoir qu'une ligne politique assumée.
Dimas DZIKODO
Faure et Mally au chevet des hôpitaux : Réalité ou mirage ?
Depuis quelques semaines, l'ex PM-actuel ministre de la Santé Komlan Mally parcourt en véritable boy-scout les pistes togolaises pour aller livrer du matériel médical offert par le chef d'état aux formations sanitaires : Kara, Moyen-Mono, Lomé… La liste des localités bénéficiaires s'allonge. A l'approche de l'élection présidentielle, le président Faure multiplie les gestes de « générosité » à l'endroit du peuple qui croupit dans la misère. Le régime RPT se sert d'artifices pour donner l'impression qu'il s'intéresse aux problèmes de santé de la population. Mais ce saupoudrage peut-il cacher des défaillances graves qui découlent d'une mauvaise politique de gestion dans le secteur de santé ?
En effet, toutes les ressources nécessaires au démarrage d'un système de santé viable sont en déficit : les infrastructures et le matériel sont des plus obsolètes et le personnel de santé insuffisant, mal réparti et démotivé.
Après 49 ans d'indépendance, le Togo ne dispose d'aucune technique d'imagerie moderne : l'éléphant blanc du CHU Campus construit pour abriter le « scanner de Debré » a coûté plus d'un milliard de FCFA au contribuable et n'a jamais répondu aux besoins des malades togolais. Après cette tentative malheureuse et coûteuse, le gouvernement n'a jamais été en mesure d'offrir à la population un moyen d'investigation moderne accessible financièrement. En privé, un examen de scanner coûte environ 70.000FCFA et un examen d'IRM coûte 300.000 FCFA environ (le SMIG est à 28.000 FCFA, faites le calcul)… Pourtant, un scanner neuf coûte moins de 500 millions en comparaison à une Mercedes présidentielle Maybach qui a coûté plus du milliard de FCFA. Un scandale !!! Où est la générosité de ce système dont le leader parade en Maybach quand son peuple ne dispose même pas d'un scanner ? Pourtant cet examen est aujourd'hui indispensable pour une pratique médicale de qualité et dans le privé, les carnets de rendez-vous ne désemplissent pas.
Un autre aspect scandaleux de notre système de santé est le traitement réservé aux patients qui souffrent d'insuffisance rénale. A cause de leurs reins défaillants, ils doivent subir chaque semaine 2 ou 3 séances de dialyse pour épurer leur organisme ; mais une seule séance de dialyse coûte 34.000FCFA et les appareils de dialyse n'existent qu'au CHU Tokoin de Lomé. En clair, cela signifie que tous les patients insuffisants rénaux vivant en dehors de Lomé ou tous ceux qui n'ont pas des moyens suffisants sont condamnés … à mourir. Et ces patients sont de plus en plus nombreux en raison des nombreuses intoxications dues aux médicaments vendus sur les étalages sans contrôle sanitaire et aussi aux infusions parfois toxiques ingérées de façon anarchique par des malades miséreux qui se tournent de plus en plus vers une médecine parallèle réputée plus accessible financièrement. Un médecin militaire nous confiait que les militaires (les sous-fifres et non les officiers) chez qui on découvre une insuffisance rénale sont… priés de rentrer au village : une condamnation à mort en somme.
Autant d'aspects d'un système de santé «scandaleusement défaillant» où aucune vision, aucune planification sérieuse n'a permis à la gérance RPT de répondre efficacement aux besoins en santé de la population. Les services d'urgence n'existent que de nom. Les patients y sont déposés et les soins ne sont administrés que lorsque les parents arrivent à honorer les ordonnances. Même les seringues, les compresses, l'alcool, le sparadrap, l'oxygène sont prescrits. Aucun système de transport médicalisé digne de ce nom n'existe au Togo. Aucun système de couverture médicale n'a vu le jour. Pourtant des personnes ressources (comme l'ancien ministre de la santé Dr IHOU) ont fait des propositions intéressantes pour un système de financement des soins à moindre coût pour la majorité. Il n'existe aucune politique de prise en charge des pathologies graves et coûteuses comme le cancer et les malades sont souvent abandonnés à leur sort. «Alors au diable la soi-disant magnanimité de celui qui se dit soucieux de nos problèmes de santé» peste un malade d'IRC qui ajoute: «Aucune vision claire de l'avenir n'est tracée, nous naviguons à vue sans radar et sans objectif précis. Qui peut nous dire quelle est la vision de ce gouvernement en matière de santé pour les prochaines années ? Quels types de spécialistes seront formés dans les 10 ans ? Quelles prestations de santé le Togo pourra-t-il offrir au cours de la prochaine décennie ? Le «leader nouveau », encore moins son ex PM-actuel ministre de la Santé ne peuvent y répondre».
Et pourtant, il est temps de planifier, de poser des actes concrets et qui auront un impact positif sur l'amélioration de notre système de santé, d'entreprendre des réformes indispensables et de sortir de ce mode de fonctionnement passéiste. L'heure n'est plus aux soi-disant « dons du chef de l'état ». Aucune perspective sérieuse, aucun développement ne se planifient sur de telles pratiques d'un autre temps (suivez mon regard). Il faut des objectifs ambitieux pour ce secteur crucial de la vie de la nation. On peut douter de la capacité du système RPT qui, pour beaucoup, n'a pas la volonté politique nécessaire pour imposer une vision nouvelle. La gestion calamiteuse qui a toujours caractérisé le secteur de la santé s'est encore illustrée lorsqu'il a fallu honorer l'engagement pris à Atakpamé le 18 décembre 2008 par l'Etat togolais, de verser un appoint annuel de 100.000FCFA aux agents de santé : le ministère de la Santé a annoncé un effectif de près de 5500 agents et a perçu de l'argent pour le paiement de 6000 agents. Pourtant aujourd'hui, on se rend compte que cet argent débloqué n'a pas suffi pour payer tous les agents et les réclamations sont nombreuses : s'agit-il alors d'un problème d'effectif mal maîtrisé et quel est l'effectif réel du corps de la santé ? Nul ne le sait. S'agit-il plutôt de détournement d'une partie des fonds alloués aux agents de santé ? Une telle situation illustre réellement l'amateurisme des autorités qui gèrent ce secteur. D'ailleurs, comment un chef d'entreprise qui ne maîtrise même pas son effectif peut-il sérieusement engager des réformes pour une expansion de son entreprise ? Alors ne soyons pas étonnés si au Togo nous manquons d'histologistes, d'anesthésistes, de chirurgiens, de gynécologues, de sages-femmes, d'infirmiers…
Ne nous étonnons pas si des blocs opératoires sont construits mais demeurent inutilisés faute de personnel qualifié. Ne nous étonnons pas si la seule perspective de développement qu'on nous sert et qu'on nous servira jusqu'en 2010 consiste en une perfusion de « matériels offerts par le chef de l'Etat » aux formations sanitaires. Ne nous étonnons pas enfin si nous sommes obligés de faire appel à des missionnaires Burkinabé (la Faculté de Médecine de Lomé est née une décennie avant celle de Ouagadougou et a formé de nombreux médecins Burkinabé), missionnaires Sénégalais, missionnaires Congolais pour former nos médecins et pharmaciens. Pourtant des personnels qualifiés sont formés chaque année mais choisissent pour la plupart le chemin de l'exil (plus de 60% de nos spécialistes exercent hors du territoire national).
Aucune politique de développement des ressources humaines en santé n'a été élaborée au Togo malgré les injonctions claires de l'OMS qui a souhaité lors de sa 48e session à Hararé en 1998 que des Etats comme le Togo définissent une politique de développement des ressources humaines en santé pour soutenir la mise en Œuvre de leur politique de santé. L'OMS a demandé clairement de mettre en place une politique de gestion basée sur des rétributions plus justes afin de favoriser la motivation et la fidélisation des professionnels de santé. Dans notre pays, les réclamations du personnel de santé allant dans ce sens sont restées lettre morte. «Le PM lui, a visiblement de bonnes volontés. Il a pris l'engagement d'Œuvrer pour l'amélioration des conditions de vie et de travail du personnel de santé, au moins à hauteur de ce qui se fait dans la sous-région. On attend toujours de voir», a déclaré sceptique un médecin à notre rédaction.
Cette situation délétère rejaillit sur le peuple dont les maux ne seront certainement pas soulagés par la politique de santé politicienne et folklorique actuellement mise en Œuvre par nos gouvernants. «Alors de grâce, qu'on cesse de nous dire que le chef de l'Etat est sensible à nos problèmes de santé. Qu'on cesse de nous jeter de la poudre aux yeux en octroyant ça et là quelques lits, des moustiquaires imprégnées ou encore quelques médicaments. Que le ministre Mally cesse ce folklore pré-électoral et qu'il se penche enfin sur les vrais dossiers de la santé, car il n'est pas au service d'un individu mais d'une nation entière. Il aura alors rendu un vrai service à la nation. Mais en a-t-il l'envergure ?...», a rougi un professeur de médecine avant de conclure « Oui les élections approchent, mais de grâce, qu'on nous serve autre chose que des images d'un boy-scout au service d'un généreux chef d'Etat aimant son peuple».
FS
Suite de l'affaire Kpatcha
Enfer psychologique au sommet de l'Etat
« Libre ou détenu, Kpatcha Gnassingbé est un cauchemar », ce titre en manchette sur le canard d'un confrère paru la semaine dernière résume en quelques mots l'inconfortable situation actuelle de Faure Gnassingbé. Malgré tout le confort dans lequel il se trouve, malgré les nombreux escortes et gardes du corps puissamment armés qui veillent sur lui de jour comme de nuit, Faure Gnassingbé est dans une situation peu enviable. Nous avions souligné dans une de nos précédentes analyses que la première conséquence de ce qu'il est convenu d'appeler l'affaire Kpatcha Gnassingbé est la dérive sécuritaire du pouvoir de Faure. Cette nouvelle situation qui consiste à placer la sécurité personnelle du Chef de l'Etat au-dessus de toute autre priorité n'est pas sans conséquence sur les recettes de l'Etat.
Nous ne croyions pas si bien dire. En effet le 27 avril 2009, c'est derrière une vitre, qu'elle soit blindée ou pas, que Faure Gnassingbé a contemplé les siens qui défilaient devant lui. A la veille, avant la réanimation de la flamme de l'indépendance, des unités spéciales fortement armées ont passé au peigne fin le chantier de la Place de l'Indépendance. A l'heure de la cérémonie, plusieurs soldats se sont déguisés en civils pour applaudir Faure pendant que d'autres, armés de fusils automatiques et de fusils à lunette étaient perchés sur les hauteurs de l'hôtel 2 février, du Palais des Congrès et du CASEF. Au 1er mai fête des travailleurs, c'est par une porte dérobée voire clandestine qu'il est sorti.
© Forum de la Semaine du 14 mai 2009