Longtemps épinglé par plusieurs ONG de défense des droits de l'homme, le système carcéral au Togo connaît depuis deux ans des réformes positives destinées à redorer son blason. Autorités judiciaires et gouvernementales mènent diverses actions pour améliorer les conditions de vie des détenus.
Voici l'article que vient de publier sur ce thème l'agence de presse Syfia.Aux anges ! Incarcéré pendant deux mois pour abus de confiance à la prison civile de Lomé, la capitale togolaise, un homme d'une trentaine d'années se réjouit d'avoir recouvré la liberté fin janvier grâce aux audiences spéciales. Ces procès ont été organisés entre fin décembre et début janvier par le tribunal de Lomé pour les personnes non encore jugées, mais détenues pour les besoins de l'enquête. La loi limite à 18 mois la durée maximale de détention, mais certains endurent parfois cinq ans et plus d'emprisonnement sans être jugés, du fait des lenteurs de la justice. "Sans ces audiences, je serais encore dans les geôles", lance cet homme qui a demandé l'anonymat.
Comme lui, 51 prévenus sur les 84 jugés ont retrouvé la liberté. Plus de 1 500 autres, sur les 3 500 détenus que comptent les douze prisons du pays, pourraient cette année bénéficier à leur tour de ces audiences. En organisant cette opération, une première, le tribunal de Lomé veut accélérer les procédures de jugement et désengorger les cellules. Construite pour 500 personnes, la maison d'arrêt de Lomé en abrite en effet deux à trois fois plus, car elle accueille des prisonniers d'autres villes comme Kpalimé (120 km au nord-ouest de Lomé), qui ne disposent pas d'infrastructures pénitentiaires adéquates.
L'engagement de l'État
L'initiative du tribunal de Lomé s'ajoute à d'autres mesures destinées à améliorer les conditions de vie en milieu carcéral. L'année 2005 a marqué un tournant. Sous le règne de Gnassingbé Eyadéma, mort le 5 février de cette année-là, plusieurs Ong de défense des droits humains, telle Amnesty International, ont qualifié "d'extrêmement pénibles" les conditions dans les prisons et y ont dénoncé assassinats et actes de torture. Les détenus vivaient dans des cellules insalubres et, pour leur nourriture, dépendaient surtout de l'aide de leur famille, l'administration pénitentiaire ne leur servant que deux boules de pâte par jour. En l'absence de latrines adaptées, "nous faisions nos besoins dans des sceaux en plastique et nous nous lavions à ciel ouvert", témoigne un ex-détenu.
L'amélioration des conditions de vie des prisonniers figurait pourtant sur la liste des 22 engagements pris à Bruxelles (Belgique) dès avril 2004 par l'État togolais en vue de la reprise de sa coopération économique avec l'Union européenne (UE), suspendue onze ans plus tôt pour cause de "déficit démocratique" et renouée depuis novembre 2007. À la faveur de l'avènement, en 2005, du nouveau régime, dirigé par Faure Eyadéma, le fils du président défunt, et sous la pression de la communauté internationale, "tous les prisonniers politiques (de l'ensemble des prisons du pays, Ndlr) ont été libérés en 2005", affirme Kodjo Gnambi Garba, le directeur par intérim de l'administration pénitentiaire.
Réforme en marche
Le Programme d'appui d'urgence au secteur pénitentiaire (Pausep), financé à hauteur de près de 2 millions d'€ par l'UE, permet, depuis 2006, la construction de toilettes et de douches modernes dans toutes les prisons qui reçoivent, par ailleurs, des produits pharmaceutiques. Grâce à une hausse en 2007 de 36 % du budget alloué par l'État pour l'alimentation et les soins aux prisonniers, l'administration arrive à offrir aux détenus une alimentation plus consistante et plus variée. En août 2007, King Mensah, un artiste, a même fait danser, des heures durant, les détenus au rythme de ses chants suaves. Du jamais vu ! "J'ai eu la chance de visiter toutes les prisons du Togo. Il y a un changement essentiel", confirme Me Lionel Sanvee, de la section togolaise de l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (Acat), une ONG internationale.
Des imperfections demeurent toutefois. Ainsi, les retards de paiement des frais de justice criminelle par l'État, depuis dix ans, limitent les déplacements des magistrats relevant des juridictions de l'intérieur du pays. Ceux-ci n'ont pas les moyens de se déplacer jusqu'à Lomé pour connaître des cas de prévenus qu'ils y ont déférés ce qui accentue les lenteurs de la Justice. Sans les prisons, certaines pratiques continuent comme les sévices infligés aux détenus par leurs camarades, déjà dénoncés en avril 2007 par Manfred Nowak, rapporteur spécial de l'ONU contre la torture.
Ces problèmes pourraient connaître un début de solution avec la réhabilitation prévue cette année de la prison de Kpalimé grâce au Programme de modernisation de la Justice, financé depuis 2005 notamment par la Coopération française. Une réhabilitation qui pourrait limiter les transferts de détenus vers Lomé et y limiter la surpopulation.
Etonam Akakpo-Ahianyo
© Syfia