Société

Trafic d'enfants : retour au pays

"Je suis venu travailler! On me dit que je suis petit, donc je retourne à la maison". Comme d'autres enfants victimes de trafic, Gilbert Aniki, un Béninois de 15 ans, est désemparé à l'idée de devoir quitter la Côte d'Ivoire sans avoir pu gagner d'argent. L'adolescent, qui cherchait un emploi de manoeuvre agricole, fait partie d'un groupe de douze enfants - six garçons et six filles béninois, togolais et nigériens - interpellés par la police ivoirienne fin février dans la région d'Aboisso (sud-est).

Aujourd'hui, ils attendent en file indienne devant un mini-car affrété pour les ramener dans leur pays d'origine. Ils ne semblent pas toujours comprendre ce qui leur arrive: "Qu'avons-nous fait pour mériter pareil sort?", demande Harouna Assouman, 16 ans.Selon une enquête publiée en 2006, commandée par le gouvernement ivoirien et financée par le Bureau international du travail (BIT), ils seraient quelque 200.000 enfants à travailler dans les plantations du pays, premier producteur mondial de cacao.

Venu du Niger pour se "chercher" (trouver un petit boulot, ndlr), Harouna porte un tee-shirt blanc frappé du logo de la GTZ, la coopération allemande, coordinatrice du Projet de lutte contre la traite et les pires formes du travail des enfants (LTTE), en lien avec la police locale.

"Je retourne au pays et quand je serai grand, je reviendrai", promet-il.

Awa Issa, 14 ans, a été arrêtée dans la région d'Aboisso sur dénonciation d'un voisin, qui jugeait ses conditions de vie inhumaines.

Elle semble soulagée de rentrer au Togo, mais estime avoir été flouée par sa "Tantie" (patronne).

"J'ai travaillé jour et nuit à fumer les pâtes de porcs pour les revendre au marché pendant 4 ans, et je repars sans argent", déplore-t-elle.

Le trafic des enfants en Afrique de l'ouest, notamment vers la Côte d'Ivoire a pris une proportion inquiétante ces dernières années malgré l'adoption de plusieurs accords et conventions multilatéraux de lutte contre ce fléau.

Chassés de leur pays par la pauvreté et la sécheresse, les garçons sont vendus à de grands exploitants dans les plantations de cacao tandis que les filles sont utilisées pour les travaux domestiques ou la prostitution.

Une bonne partie transite par Aboisso (sud-est), ville frontalière du Ghana et principal point d'entrée en Côte d'Ivoire depuis le Togo, le Bénin et le Niger, pays pourvoyeurs de cette main d'oeuvre jeune et démunie, et donc malléable.

"Il ne se passe pas une semaine sans qu'on arrête des enfants mineurs", explique Maxime Mobio, le commissaire de police d'Aboisso, décrivant un réseau bien organisé.

Il y a le "demandeur qui passe la commande au convoyeur, qui lui se fait livrer la marchandise (les enfants) par un fournisseur installé dans le village", détaille Nissoiti Diaby, une responsable du LTTE.

"Le trafiquant au coeur de ce réseau touche près de 5 millions FCFA (7.633 euros) par an, soit plus qu'un fonctionnaire ivoirien moyen", ajoute-t-elle.

"Nous avons compris que le mal existe, nous allons mobiliser tous les moyens pour mettre la main sur le réseau de trafic", promet de son côté Aka Aoullé, président du conseil général d'Aboisso.

En mai 2005, la Côte d'Ivoire a lancé un "projet pilote" de lutte contre le travail des enfants dans les plantations de cacao afin d'obtenir la certification exigée par les Etats-Unis, importateurs du tiers de la production ivoirienne. Mais cette innovation, tout comme d'autres conventions, n'a pas encore inversé la tendance, notent les responsables locaux d'Aboisso.

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